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Une création tout en dénouement
Premier filage de la création Batekmila de lICB en euskara, destinée au public non-bascophone, combinée comme la danse des rubans
Les acteurs viennent de Renteria, de Zumaia ou de Guéthary et combinent naturellement trois langues sans quaucun ne soit vraiment trilingue. Surtout pas Pascal Daniel-Lacombe, la metteuse en scène du Rivage qui mène sa troupe en français dans le texte et en jargon universel dans lexpression des mains. On est déjà dans la pratique théâtrale. Et tant mieux pour un spectacle essentiellement en basque qui sadresse aussi aux non-bascophones (lire aussi le JPB du 27 octobre). Mais plus quun mélange, clamé par les acteurs pour annoncer un pot-pourri de contes et légendes basques, le brassage voulu par lInstitut culturel basque pour combiner les langues et les disciplines, est pensé comme "un croisement, une superposition" raconte Frank Suarez, chargé de mission pour le spectacle vivant au sein de lICB. Clé de cette approche, la Zinta Dantza, la danse des rubans que les danseuses basques croisent et décroisent autour dun mât en un complexe entrelacement (lire ci-dessous).
Fil rouge de la création
Une pratique utilisée comme le fil rouge de cette création en cours, qui sera présentée au public basque demain et samedi, avant de tenter sa chance sous dautres cieux. Mardi après-midi, dans la salle de Louhossoa qui a provisoirement retrouvé un équipement technique à sa mesure, on réalisait justement le filage de la pièce. Une histoire de passefilage coloré où se succèdent cinq tableaux de théâtre, imprégnés des Contes et légendes du Pays Basque du Garaztar Jean Barbier et dautant de ballets ou dintermèdes dansés. Ce sont ces dix tableaux quil sagissait de lacer, en suivant le déroulé de la Zinta Dantza. Comme la danse des rubans, lintrigue de Batekmila se noue, les disciplines se superposent et chargent lespace, puis se décroisent vers un dénouement épuré. La fin est semblable au début. Le chant de Beñat Achiary pour débuter et pour conclure. Au commencement était le verbe et la genèse même du projet de lInstitut culturel basque était de mettre les arts au service de la langue basque.
La musique suit également de près cette chorégraphie jusquà devenir le c¦ur de cet entrelacs. Laurent Martin, qui en a signé la composition, a été sensible à cet écheveau qui se noue et se dénoue lorsque les danseurs reprennent leurs pas à rebours. "Un geste qui crée lillusion de la réversibilité du temps" note le compositeur qui était, durant toute lannée 2004, invité conjointement par le Conservatoire national de région de Bayonne et lÉcole internationale Musikene de Donostia. Cette "illusion de la réversibilité du temps", Laurent Martin la considère dans un programme musical déjà éprouvé : "guider implacablement lauditeur jusquà lévidence de la catastrophe, le ramener en arrière avec fermeté en suivant des étapes reconnaissables, jusquà son point de départ qui apparaît alors comme un apaisement".
Musique électronique
Lui sest dabord inspiré du ruban de la danse, comme dune bande magnétique qui lui a suggéré la musique électronique. Son instrument, cest la voix de Beñat Achiary et la grande palette de timbres dont il dispose. Montée très lente, jusquà la tension dun cri à son sommet, puis accalmie et redescente. Une formule efficace, au moins dans la première partie dansée qui figurait mardi au programme du filage.Neuf danseuses des Ballets Biarritz Dantzaz également recrutée des deux côtés de la frontière trouvent des gestes simples pour accrocher grondement "achiaryen", léger ou inquiétant. Gaël Domenger, qui signe la chorégraphie de ce ballet junior, y trouve une esthétique simple, une épure délicate mais riche de trouvailles photographiques. Le contraste se fait immédiatement avec la précédente apparition des comédiens comme si lon combine théâtre burlesque et danse contemporaine. Deux couleurs de rubans qui vont pourtant senlacer vers une démarche plus moderne et faire miroiter des légendes oubliées, justement recueillies en 1931 dans la tradition orale.Les bascophones trouveront sans doute plaisir au jeu et à cette renaissance des contes, dans une écriture signée Annette Vautreau et Pascal Daniel-Lacombe, traduite en basque par Daniel Landart. Les autres, invités à explorer la culture basque, se nourriront de lintention. "On perdrait le pari si les francophones se pomment dans la pièce" résume Frank Suarez.
· Création
Batekmila.Vendredi 4 et samedi 5 novembre. 21h Louhossoa.15 à 3 .
«Jai voulu observer nos rapports au sein dun groupe»
La Zinta dantza est une danse qui nous fait remonter vers une époque très ancienne, aux traditions de célébration du printemps et du renouveau de la nature. A travers cette ronde rituelle, les hommes faisaient appel aux liens qui les unissaient au Cosmos pour garantir la fertilité de la terre, des animaux et des humains. Pour nous rappeler que le monde est vivant et célébrer ainsi sa constante renaissance, la Zinta dantza réunit un cercle de jeunes filles autour dun poteau symbolisant larbre de vie (aussi appelé arbre de mai dans certaines traditions). Elles y sont rattachées par un ruban, véritable cordon ombilical symbolique.
Dans la tradition basque, leurs mouvements chorégraphiques entremêlent puis démêlent leurs rubans respectifs à limage de la vie, célébrant ainsi le renouveau en toute chose.
Dans mon interprétation de la Zinta dantza, jai voulu observer nos rapports les uns aux autres au sein dun groupe, mettant laccent sur les échanges dénergies entre individus comme entre la Terre et lHumain. En ces temps de rupture, il ma semblé essentiel de célébrer notre indépendance avec la nature, pour partir à la recherche dune force émanant du passé et rayonnant encore de nos jours. Sur ce chemin, cest avec évidence que quelques symboles de la culture basque se sont imposés à la structure chorégraphique. Mais si jai occulté toute représentation symbolique du mât sur scène, cest pour rappeler avec force quen chacun dentre nous demeure un arbre de vie.
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