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Leçon de flamenco au Temps d’aimer
Dans ce vaste concert des cultures, le festival de danse de Biarritz propose une réflexion profonde sur l’évolution du flamenco
La compagnie Antonio Gades sera d’ailleurs en décembre prochain au théâtre de Bayonne pour poursuivre sa démonstration avec l’incontournable Carmen. En écho à cet enseignement, voilà que l’enfant terrible du flamenco, Israël Galvan, habitué à faire l’école buissonnière et à bousculer les codes du flamenco, opère un retour aux sources pour le Temps d’aimer, en mettant en scène rien moins que l’âge d’or de cette danse d’amour et de mort. Une volte-face étonnante pour le "bicho raro", la bête curieuse du genre, qui fait ainsi la leçon à ses détracteurs, acquittant sa dette au temps le plus faste du flamenco.
Classique du contemporain
Dimanche soir, à la Gare du Midi de Biarritz, la compagnie Antonio Gadès, créée en 2004 après la mort du maître d’Alicante par la fondation du même nom, présentera deux ¦uvres, qui figuraient dans les années 60 l’avant-garde du genre et qui sont aujourd’hui des classiques. La Suite flamenca regroupe les danses avec lesquelles Antonio Gadès débuta sa carrière solo, en 1963. Huit numéros de danse traditionnelle qui étaient interprétés vers la fin des années 60 par sa compagnie et celle qui fut sa partenaire de danse pendant plus de vingt ans, Cristina Hoyos. Huit numéros qui sont aujourd’hui un véritable alphabet de danse flamenco avec ses solos, ses duos, ses danses en groupe, dans l’esthétique parfaite de Gadès.Sur la scène de la Gare du Midi, la Suite flamenca, dont la compagnie Gadès élabore actuellement un prolongement, sera précédée du ballet Bodas de Sangre (ŒNoces de sang’), créé en 1974 et connu aujourd’hui pour ses nombreuses interprétations, singées des plus grandes compagnies du monde. Le Ballet National de Cuba, le ballet de Nancy, l’opéra de Rome ou la Compagnie Andalouse de danse ont loué "une des meilleures ¦uvres de théâtre dansé en espagnol". Un classique de la danse contemporaine, si l’on peut dire. Une ¦uvre majeure qui fut adaptée au cinéma par Carlos Saura et qui s’inscrit surtout dans une culture profonde, comme le suggère déjà ce titre emprunté à Federico Garcia Lorca.
"Avec Bodas de sangre, j’ai voulu rendre hommage au poète", confiait Antonio Gadès.Il s’en expliquait en revendiquant sa filiation avec une "culture méditerranéenne", "une culture de jalousie, d’amour, de mort, et qui n’existe pas seulement dans la danse, mais dans la littérature, la peinture et toutes les autres formes d’art". Olé ! Dans cette culture de la cambrure, il ajoutait que "le sentiment tragique est toujours une constante".Pour celui qui fut reconnu dans toute la planète grâce aux films de Saurin, Bodas de sangre est "réellement un film espagnol, une tragédie imprégnée de folklore".C’est à ce titre qu’il conviendra demain soir de découvrir ces noces de sang dans leur interprétation première, comme un retour à la tragédie espagnole et à la poésie de Lorca.Curieux qu’au même moment, on triture encore la mémoire du poète andalou en souhaitant ouvrir sa tombe, pour l’Histoire.En cette année où l’on célèbre le 70e anniversaire de son assassinat, le cadavre de Lorca continue de hanter cette tragédie espagnole.Sa mémoire crible la ballet. Pour Gadès, anti-franquiste, communiste et andalou, il ne pouvait en être autrement."Je me suis toujours intéressé à l’¦uvre lorquienne, disait-il, principalement parce qu’elle décrit avec profondeur, densité et bienveillance le peuple andalou".
Sentiment tragique
Le sentiment tragique est toujours une constante et Israel Galván fera écho lundi soir à cet apport de Gadès au flamenco, en allant chercher plus loin dans le temps, vers ce que les spécialistes appellent "l’âge d’or" du flamenco, lorsqu’il connut un renouveau majeur vers la fin du XIXe siècle et jusqu’aux années trente.Cet Âge d’or fait surtout référence aux chants et à la
danse.La guitare ne s’y est imposée que plus tardivement.Historiens et critiques
évoquent tous la nostalgie d’un temps où chanteurs et danseurs ont porté le
flamenco à son apogée, par la richesse et la pureté de leurs créations.Ces
puristes évoquent aussi le long déclin qui se perpétue depuis.Sauf qu’Israel
Galván est bien à Biarritz pour leur donner tort, et clamer haut qu’il maîtrise
le langage de cette mythologie pour mieux l’enrichir du temps présent.De concert
avec Fernando Terremmoto, le fils de l’un de ces chanteurs d’anthologie issus de
l’Âge d’or, et Alfredo Lagos, jeune guitariste de Jerez, le berceau du flamenco,
Israel Galván s’attache aux références sacrées en faisant tomber les âges au
profit de l’or.Un Eldorado à portée de main, bien présent, censé reléguer les
nostalgiques au rang d’oiseau de mauvais augure.Au fond, l’Eldorado peut faire
rêver tant que le filon n’est pas épuisé.Sans rien renier aux gloires passées
dont découlent les créateurs d’aujourd’hui.Israel Galván dit lui-même que
lorsqu’il "s’aventure dans quelque chose de nouveau, c’est toujours
en partant des racines.
Quand le Brésil gonfle ses muscles
Le temps d’aimer la danse a débuté hier et promet un festival d’éclectisme. Parmi les nombreuses aventures chorégraphiques proposées ce week-end, dont ce fameux duo avec une pelleteuse, une halte virile et salutaire nous est proposée demain à 19h, au théâtre du Casino municipal, avec la compagnie brésilienne Sociedad Masculina. Une troupe qui, comme son nom l’indique, n’est composée que d’hommes. Un monde de brutes très contemporain, qui montre la force, la vitesse, l’absence de femme, dans de courtes chorégraphies signées par Henrique Rodovalho ou Paulo Caldas. Heureusement, un peu de douceur dans ce monde de chromosomes Y, qu’insuffle la chorégraphe de renom Déborah Colker, en entrelaçant ces corps athlétiques et leur faisant épouser la métaphore de l’évolution d’un pays, habitué il est vrai à gonfler ses muscles.
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