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Le syndrome de l'albatros

Egilea
Ramuntxo Garbisu
Komunikabidea
Le journal du Pays Basque
Mota
Albistea
Data
2009/09/12

Il est plus facile de rencontrer Thierry Malandain au Centre National Chorégraphique de Biarritz qu'ailleurs. Tout d'abord parce qu'il le dirige depuis 19 ans et qu'il y travaille sans cesse, en compagnie de ses 18 danseurs.

Et ensuite, parce qu'il y a peu de chances que, dans la rue, vous n'attribuiez à cette personnalité discrète l'ensemble des a priori censés le précéder, ou ces superlatifs et autres décorations internationales de toutes sortes que ce jeune homme récolte depuis ses premières chorégraphies.

«ON A EU DE LA CHANCE, LES GENS ONT AIMÉ»

Seules ses toutes premières années sont évoquées à la première personne, lorsqu'il découvre un ballet à la télévision, chez ses grands-parents, avant que l'actu de mai 68 ne change la mire.

Petit caneton fasciné par ces entrechats entraperçus, il se soumet très vite à la discipline de la salle de danse, se pique au jeu et, comme ces gamins qui, à la récré, inventent de nouveaux jeux pour les copains, commence très vite à écrire une première chorégraphie.

Trois premiers ballets, et trois Premiers Prix internationaux : l'aventure humaine s'accroche à son corps, lui fait définitivement poser ses chaussons, leur compagnie de danse est créée en 1986, ce sera leur éternel «Temps présent».

«SEUL, JE NE LE FERAI PAS, CE MÉTIER»

Elancourt, en banlieue parisienne, puis St Etienne... Il en parle avec une émotion sereine, «j'ai bien aimé ce travail» : de ça, il en est sûr ; en cas de doute, il lui suffit de descendre un étage pour que ceux-là qui l'ont suivi, à Biarritz, le rassurent.

70 chorégraphies au compteur : d'un sourire un peu gêné, il s'excuse de vous avoir impressionné, ses rêves de virtuosité et de poésie peuplés des musiques de Stravinsky, Strauss, Verdi, Gershwin ou Satie sont dansés dans le monde entier.

Mais ses yeux s'écarquillent, se figent, des notes sombres de la Valse de Ravel lui reviennent en tête... Malandain a plus d'une fois goûté la froideur de la terre ferme, lourde et parfois pesante, quand la danse permet, elle, de s'en dégager, un instant seulement, mais un instant pourtant... Il sourit, feinte et enchaîne...

«AUJOURD'HUI, IL FAUDRAIT ÊTRE CONTEMPORAIN»

C'est avec l'étiquette de chorégraphe «néo-classique» que Thierry Malandain sera donc poussé de ministère en ministère, accueilli puis baladé, comme un fils oublié qui gêne et agace lorsqu'il demande à ce que l'on n'oublie pas le père. Dans ces repas officiels où les grandes gueules se remplissent aussi sûrement les bedaines que les bourses, Thierry Malandain ne dispose pas de tous les atouts nécessaires.

Ce siècle se nourrit d'une danse shootée au contemporain, à la radicalité de propositions abruptes, quand lui, les yeux levés vers le ciel, se demande bien comment un coucher de soleil se prononce en chinois...

Filgi Claverie, alors à la tête de Biarritz Culture, obtient le soutien de Didier Borotra pour proposer une terre ferme à ce drôle de piaf, pas très loin de la mer, de l'ailleurs, du plus tard.

Thierry Malandain accepte, et avertit ses amis danseurs de cette nouvelle destination, ceux qui l'aiment montent dans le train, la France est championne du monde de foot, et ça rigole dans le wagon...

Les années à la tête du Ballet de Biarritz passent à la vitesse de la lumière, trop vite, au point que le Ministère de la Culture lui intime l'ordre de ralentir ses créations.

Et lui colle un audit, pardon, «une étude», qui confirme ce qu'il a toujours expliqué : ses 18 danseurs ne sont pas des «danseuses» payées aux frais de l'Etat, Malandain en ressort fatigué, pas forcément soulagé.

Car il a un secret, qu'il garde pour lui parce qu'il n'est pas sûr de pouvoir le partager : il vit dans le mensonge. Depuis le début, mais il ne s'en est vraiment aperçu que depuis peu. Il ment.

Sur l'état alarmant du monde, qu'il sait écarter pour nous avec une heure de danse féerique. Sur la fatigue des corps qu'il élève, quand ses bras tombent de rage devant l'impuissance des hommes, ici, chez les gars de Continental, là-bas, en Afghanistan.

Il enrage, mais son corps ment, calme et effacé. Il bout, mais ses mots parlent de volupté. On a fait de lui l'héritier d'une tradition presque tsariste de la danse, quand il se rêve écorché, poitrine nue, révolutionnaire défiant le peloton d'exécution d'une pirouette...

Un petit pas de côté, un sourire, et ses pas s'éloignent, avec cette démarche si particulière des danseurs, pointe des pieds écartés, démarche de palmipède.

Thierry Malandain, caneton embarrassé par ses désirs de géant et ses rêves d'une troupe de 40 danseurs... Sa mue n'est sans doute pas finie, mais il a promis fidélité au Maire de Biarritz, il restera ici tant qu'il le faudra, avant de reprendre son vol indolent.

«Rù mù tú qióng» : «Coucher de soleil», en chinois... Epaule, poignet, pointe, tourner, en «malandain»...

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