Entrechocs

Critique, Beijing modern dance compagny

Mais ici, l’invitation au voyage était loin de toute complaisance : pas de costumes élaborés, pas de maquillage extravagant pour nourrir notre gourmandise occidentale. Les chorégraphes Willy Tsao et Hanzhong li ont réussi l’exploit de convoquer l’imagination du public pour assister à une Chine "en devenir", une Chine de plusieurs siècles de tradition et de plus d’un milliard de chinois concentrée en treize danseurs. Dans les deux pièces Une table, deux chaises, et Le Sacre du printemps, nous assistons aux spasmes douloureux d’un peuple désireux de s’affranchir de l’oppression communautariste : il renverse table et chaise comme il renverse les codes de l’ordre établi, il se démène dans une danse martiale pour se libérer du joug de l’étoffe rouge. Mais la lutte la plus exigeante est celle qui se livre à l’intérieur de chaque individu : cette liberté assumée doit-elle être synonyme du renoncement total des traditions ? C’est toute cette question qui provoque le tiraillement des corps et à laquelle le public est invité à se confronter : absence de musique, dépaysement des intonations de l’opéra traditionnel et géniale partition de Stravinsky sont autant d’entrechocs qui participent aux forces primitives du renouvellement.