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«Je me dis parfois que j’ai bien plus dansé que ce que j’avais rêvé de danser»

Egilea
Carole Suhas
Komunikabidea
Le journal du Pays Basque
Mota
Elkarrizketa
Data
2012/02/25
Lotura
Le journal du Pays Basque

José Carlos Martínez est le tout fraîchement nommé directeur de la Compañía Nacional de Danza à Madrid. Après avoir dansé 24 ans à l’opéra de Paris et y être devenu étoile, José Martínez se tourne maintenant vers la gestion de compagnie. Pendant ses années d’interprétation, il s’essaie aussi à la chorégraphie et fut créateur de l’une des pièces entrées dans le répertoire de l’opéra Garnier depuis lors, Les Enfants du paradis. Mardi 28 février prochain, la Compañía Nacional de Danza s’aventure pour la première fois hors du territoire espagnol pour faire escale à Biarritz à la Gare du Midi à 20h30.


Vous avez atteint le sommet en devenant danseur étoile, comment en êtes-vous venu à la chorégraphie pendant ces années ?

Cela faisait longtemps que j’avais envie de chorégraphie. On a formé un groupe avec des amis de l’opéra qui s’appelait “José Martínez en compagnie” et on a commencé à faire des représentations. On était tous danseurs mais on manquait de ballets à danser. Comme on n’avait pas beaucoup de temps pour travailler avec des chorégraphes par rapport au calendrier de l’opéra, je me suis dit “Pourquoi pas essayer moi-même ?”. Donc j’ai fait mon premier ballet en 2002, Favorita. J’ai découvert que j’avais envie, après avoir été l’interprète de plein de chorégraphes, après avoir été un élément de travail qui devait traduire ce que les autres demandaient, de faire, de dire, les choses à ma façon.

Ça m’a donné envie d’aller plus loin et il se trouvait finalement que ce poste de directeur à Madrid me laissait la possibilité de programmer dans le futur et la possibilité de chorégraphier pour mes danseurs.


Justement, comment abordez-vous cette nouvelle fonction, comment travaillez-vous avec vos danseurs ?

Pour l’instant ça fait cinq mois que je suis à Madrid, il y avait énormément de travail de gestion quand je suis arrivé dans la compagnie. La saison n’était pas faite, il fallait chercher des tournées, organiser notre saison à Madrid, j’ai donc arrêté momentanément de travailler en studio. Comme j’avais quand même envie de travailler avec les danseurs, on a commencé par une sorte de “workshop” pour travailler sur pointe, ce qui ne se fait plus depuis sept ou huit ans dans la compagnie. J’ai voulu voir jusqu’où pouvaient aller les danseurs par rapport à mes prévisions de programmation et à ma propre créativité.

Mon arrivée est aussi l’occasion de donner une nouvelle identité à la compagnie et ses 40 danseurs. L’idée, c’est que l’on puisse danser un répertoire varié, que les danseurs puissent aller vers le contemporain mais aussi vers le néoclassique. Ce qui s’est présenté au moment d’arrêter à l’opéra, c’était “Qu’est-ce que je veux faire ?”, parce que jusque-là, j’avais un peu tout fait : chorégraphier, continuer à danser, diriger une compagnie…


Pourquoi avoir privilégié cette troisième possibilité, alors ?

D’abord, j’ai beaucoup dansé, et je dis parfois que j’ai dansé plus que ce que j’avais rêvé de danser, la réalité a dépassé mes rêves. Je suis un peu hanté avec ça, je peux encore danser, je me fais plaisir, mais ce n’est plus une nécessité comme avant. Ça fait aussi 25 ans que je suis en France et c’était un peu la possibilité de faire quelque chose en Espagne où la danse est malmenée. Moi, je suis parti parce que je n’avais pas beaucoup de possibilités, comme beaucoup de danseurs, parce qu’il n’y a pas de compagnies de danse. Il y a aussi le fait qu’à l’opéra tout était doré, les moyens, les studios, je n’avais à me soucier de rien, mon planning était fait. J’avais envie quelque part d’avoir des aventures personnelles et ce projet difficile à mettre en place allait me demander d’avoir les pieds sur terre et de créer des nouvelles choses.

Comment expliquez-vous cette situation de la danse dans l’Etat espagnol ?

Il y a une volonté politique, jusque-là, on n’a jamais beaucoup aidé la danse. Maintenant, ce qui se passe aussi, c’est que chaque directeur en charge du peu de chose qu’il y a, n’a pas cette idée de tradition. A chaque fois, un nouveau directeur rejette tout ce qui s’est fait avant et il veut faire les choses à sa manière. Il n’y a pas de possibilité d’avoir un répertoire plus large en conservant ce qui s’est fait avant. En Espagne, on vit sur le moment et on veut faire tout le temps des nouvelles choses.

Etant la seule grande compagnie en Espagne – j’entends par là qui a des moyens –, la grande difficulté, c’est d’avoir un double profil : aller vers la danse contemporaine avec de grands créateurs espagnols et puis à l’inverse, montrer peu à peu un répertoire plus ancien, plus classique.


Précisément, vous qui avez pratiqué les deux registres, classique et contemporain, comment les abordez-vous parallèlement ?

Ce qui se passe en général avec le classique, c’est que c’est déjà écrit, quelqu’un nous la transmet et on la retranscrit en essayant de se rapprocher au maximum du canon de la première version. Avec un chorégraphe contemporain, il y a une relation de personne à personne, surtout pour les créations. Moi, ça m’a toujours touché bien plus. La relation que j’ai pu avoir avec Pina Bausch, par exemple, a nourri mon travail de danseur classique et quand j’ai redansé des ballets classiques par la suite, je ne les ai plus dansés de la même façon, il y a une sorte de souplesse qui peut s’adapter et qui m’a fait évoluer.


Avez-vous une ligne directrice dans votre programmation, dans ce qui est envisageable pour la compagnie ?

J’aime beaucoup la danse au sens large, c’est-à-dire la danse qui fait danser. Je ne pense pas que l’on aura des propositions qui vont vers la danse-théâtre. On confond souvent l’avant-garde avec la non-danse. Ce qui m’importe, c’est que ça danse. J’aimerais bien explorer les divers styles de danse au travers de la compagnie. C’est un peu ce que j’ai connu à l’opéra de Paris.


Vous venez à Biarritz mardi prochain. Pourquoi Biarritz ? Peut-on y voir là une affinité dans le registre néoclassique avec le chorégraphe Thierry Malandain ?

C’est vrai que ces dernières années, la compagnie s’éloignait du classique pour aller vers le contemporain, ça se relâchait dans les pieds, etc. Pour moi, Thierry, quelque part, c’est toujours dangereux de le définir en danse classique ou contemporaine. Il a fait évoluer le classique. Maintenant, on a tort de vouloir cataloguer les chorégraphes et les styles : un même chorégraphe peut changer de registre.


Pour finir, que retiendrez-vous de l’opéra de Paris ? Et que ne retiendrez-vous pas ?

En fait, j’ai appris énormément par tous les chorégraphes au niveau artistique. Le fait de faire Les Enfants du paradis avec énormément de mise en scène, de décors, ça m’a appris la gestion d’une grande équipe. Diriger un groupe de danseurs a été un stage de gestion accéléré.

Ce que je ne retiendrai pas ou ce que j’essaierai de modifier, c’est que l’Opéra est une compagnie tellement grande avec ses 150 danseurs, qu’on ne fait pas spécialement attention aux personnes. Je ne veux pas dire qu’on ne les respecte pas, mais c’est une tellement grande entreprise, il faut respecter la hiérarchie. Tout le monde doit être à sa place. Le fait d’être dans une compagnie à 40 danseurs me permet de faire un peu en fonction de chacun et de les traiter de façon plus humaine et c’est peut-être quelque chose qui m’a manqué en tant que danseur. C’est une gestion un peu plus familiale et ça me fait énormément plaisir.

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